1h35 - 13 mars 2013
Un film de Bruno Dumont avec Juliette Binoche, Jean-Luc Vincent, Robert Leroy
Hiver 1915. Internée par sa famille dans un asile du sud de la France – là où elle ne sculptera plus – chronique de la vie recluse de Camille Claudel, dans l’attente d’une visite de son frère, Paul Claudel.
Le Mot du Comte : 0,5/5
S'il fallait résumer le dernier film de Bruno Dumont en quelques mots, une phrase comme celle-ci suffirait : des gens marchent sur des graviers.
"Camille Claudel 1915" est l'évocation des premiers mois d'internement de la sculptrice, interprétée ici par Juliette Binoche - visiblement en manque de légitimité auteuriste, dans un asile du sud de la France.
Il ne se passe presque rien dans cet univers terne et blafard (le film est pourtant tourné dans une des plus belles région de France) où sont réunies presque toutes les figures imposées d'un certain cinéma français, naturaliste jusqu'à l'os (comme par exemple les nudités gratuites, ici dans une séquences où les patients - y compris Binoche, prennent le bain).
Dans cet asile où l'on entend les mouches voler et où les bonnes soeurs sont déguisées en oeufs de pâques, on s'ennuie ferme. Le scénario, d'une pauvreté abyssale (connaissant Dumont, l'on en vient même à soupçonner son existence matérielle), ne contient que deux étapes narratives, espacées de 80 minutes de vide: Binoche apprend que son frère vient la visiter, et la visite dudit frère.
Dans cette mascarade pleine d'arrogance, Juliette Binoche peine à incarner autre chose qu'elle-même. Elle mange une pomme de terre, prend un bain, écrit, pleure, dort.
Durant deux très longs plans-séquences (chez le directeur de l'asile et avec son frère), celle-ci entame de glorieux monologues auquel on ne comprend pas grand chose tant elle mange ses mots, et tant ses glandes lacrymales sont poussées à leur maximum. Ce pathos tape-à-l'oeil ne masque pas le vide du personnage.
Les autres acteurs, comme dans tout les autres films de Bruno Dumont, sonnent tous faux (excusons-les, ce sont pour la plupart des amateurs). Le frère de Claudel est incarné par Jean-Luc Vincent, sosie de Fabrice Luchini - sans son talent hélas, qui récite de longues tirades sans but ni formes et de manière très théâtrale, esquisse d'un éventuel débat théologique, mais en réalité esquisse de rien du tout (la scène où il s'agenouille en pleine garrigue pour prier a été source de fous rires).
Qui plus est, il y a une certaine forme d'indécence à exploiter ici de vrais handicapés mentaux, dans ce qui n'est pas un documentaire, mais bien une fiction (un essai de fiction du moins). Si certains brandissent l'argument de la véracité documentaire, la gêne est ici bien présente. Le réel n'autorise pas à faire n'importe quoi.
Par delà la caricature d'un certain cinéma français, Bruno Dumont signe avec "Camille Claudel 1915" la caricature de son propre cinéma, dans lequel Juliette Binoche n'est pas Claudel, mais bel et bien Juliette Binoche qui s'acoquine. C'est peut-être la plus grosse erreur de Dumont, avoir trahi sa doctrine du non-acteur.
En même temps, Bruno Dumont, on a souvent envie de l'apparenter à du gravier qu'on prendrait plaisir à piétiner.
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