mardi 28 mai 2013

LA GRANDE BELLEZZA

2h22 - Sortie le 22 mai 2013

Un film de Paolo Sorrentino avec Toni Servillo, Carlo Verdone, Sabrina Ferilli
Jep Gambardella – un bel homme au charme irrésistible malgré les premiers signes de la vieillesse – jouit des mondanités de Rome. Il est de toutes les soirées et de toutes les fêtes, son esprit fait merveille et sa compagnie recherchée. Journaliste à succès, séducteur impénitent, il a écrit dans sa jeunesse un roman qui lui a valu un prix littéraire et une réputation d’écrivain frustré : il cache son désarroi derrière une attitude cynique et désabusée qui l’amène à poser sur le monde un regard d’une amère lucidité. Sur la terrasse de son appartement romain qui domine le Colisée, il donne des fêtes où se met à nu "l’appareil humain" – c’est le titre de son roman – et se joue la comédie du néant. Revenu de tout, Jep rêve parfois de se remettre à écrire, traversé par les souvenirs d’un amour de jeunesse auquel il se raccroche, mais y parviendra-t-il ? Surmontera-t-il son profond dégoût de lui-même et des autres dans une ville dont l’aveuglante beauté a quelque chose de paralysant ?

COMPÉTITION OFFICIELLE DU FESTIVAL DE CANNES 2013

La Moyenne des Ours : 4,3/5

Le point de vue de Pépite : 3,5/5
Le dernier film de Paolo Sorrentino est beau, intéressant, pertinent, contemplatif est pas chiant !
On suit avec délectation cette "nouvelle" incarnation de la Dolce Vita, le comédien-génie Toni Servillo (qui a personnellement gagné toutes les palmes et prix d'interprétation dans mon coeur de cinéphile !). Servillo incarne le film, le complète et l'enrichit. Et enrichir un film déjà si beau, c'est fort. La Grande Bellezza est une ode à la vie, à l'art, à l'amour, à la vieillesse. La mise en scène éclatée, suave et sensuelle de Paolo Sorrentino est vraiment riche - les mouvements de grue, de travelling, etc., sont encore mieux maîtrisés que dans This Must Be The Place, et toujours signifiants ! 
On peut trouver le film un peu long, certes, mais les anecdotes et traits de certains personnages secondaires qui pourraient être de trop ne le sont pas vraiment car ils sont pertinents et intéressants.
Il est compliqué de se faire vraiment un avis objectif sur ce film, tant c'est un film dans lequel on rentre et on voyage, avec délectation, pendant 2h22. Un bijou qui laisse pensif et rêveur à sa sortie.

Le Mot du Comte : 5/5
Un soleil de plomb, des fontaines et un touriste japonais, qui s’écroule après une ultime photo, sous les regards cruels des antiques statues de Rome. Voilà l’introduction haute en symboles de "La Grande Bellezza", film-fleuve d’une beauté renversante qui distille au compte-goutte sa puissance formelle.
L’on suit ici Jep Gambardella (Tony Servillo impérial), ersatz moderne du Marcello Rubini de "La Dolce Vita", mais ersatz plus observateur et paradoxalement plus actif, qui erre de superficialités en supercheries, dans une Rome tiraillée entre la splendeur de son patrimoine et les bassesses de son oligarchie.
"La Grande Bellezza", c’est l’anti "Gatsby". On retrouve d’ailleurs le motif d’une puissance supérieure qui surveille de loin les bruits de la ville. Dans "Gatsby", ce motif se traduit par un vieux panneau publicitaire bleu (absolument non exploité), ici, c’est une gigantesque enseigne lumineuse Martini, première preuve de la terrible ironie qui parcourt de long en large le film.
Ainsi, Paolo Sorrentino prends un malin plaisir à tirer avec intelligence sur les aspects du monde moderne, que ce soit "l’art" contemporain, à travers deux scènes qui s’opposent (cette performeuse idiote qui fonce dans des murs et cette gamine criarde, qui finit par faire émerger son talent du chaos de départ), la Religion (encore une fois, par opposition : ce futur Pape croyant pour un sou et cette Sainte qui a perdu ses dents en luttant contre la misère et qui refuse les interviews), ou encore cette folle croyance que le talent est démocratique (ces actrices ratées qui veulent écrire du Proust). 
Jep Gambardella, qui a cessé de créer pour commenter, est un cynique lucide dont l’existence futile est guidée par la superficialité. Au cours de ses ballades dans Rome, il expose ses tactiques pour ne jamais perdre la face en public, pire chose qui pourrait arriver en société. C’est un personnage fort et doux, dont le vernis social se craquelle au fur et à mesure que le film avance (dans cette scène d’enterrement démente où, malgré la foule, aucun « ami » ne se lève pour porter le cercueil du défunt) et que son seul vrai ami rend, lui aussi, son masque pour retourner vers ses racines.
Et quand ce dernier empereur des nuits romaines se décide à remettre les choses à leur place, on ne peut qu’adhérer à son propos avec délectation. Il y a d’ailleurs beaucoup de scènes bavardes (le film penche alors vers "La Terrasse" d’Ettore Scola) mais que pourrait-on y supprimer ? Car Sorrentino développe une vraie délicatesse vis à vis de ses personnages, qu’il ne juge pas, mais dont il confronte simplement les idéologies, tout comme il confronte l’homme et l’Histoire. Parfois, on rit de ces pantins qui vont jusqu’au bout de leur bêtise, on rit de cette Sainte qui monte les escaliers à genou, avant de se taire et d’admirer sa ferveur et sa simplicité.
La mise en scène est parsemée de mouvements de grue, comme dans son précédent film "This must be the place", qui pouvait largement s'en passer. Sauf qu’ici, ces effets prennent toute leur ampleur tant ils rejoignent le rapport à Dieu (ou en tout cas aux esprits supérieurs) omniprésent dans "La Grande Bellezza", et ce jusque dans ce majestueux générique final sur le Tibre, résumé parfait de l'essence du film.
Portée par une bande son magique (Sorrentino a pioché dans le répertoire de Zbigniew Preisner pour ses moments les plus forts), "La Grande Bellezza" est un choc qui n’en a pas l’air, un constat lucide et intelligent, plein d’espoir et d’émotion. Tout comme un monument, il semble anodin, mais plus on s’en approche, plus on en discerne l'intelligence et la portée (aussi bien du propos que de l’héritage italien que le film porte). Touchant et magistral.

dimanche 26 mai 2013

LA VIE D'ADÈLE

2h57 - Sortie le 9 octobre 2013

Un film de Abdellatif Kechiche avec Adèle Exarchopoulos, Léa Seydoux, Aurélien Recoing
A 15 ans, Adèle ne se pose pas de question : une fille, ça sort avec des garçons. Sa vie bascule le jour où elle rencontre Emma, une jeune femme aux cheveux bleus, qui lui fait découvrir le désir et lui permettra de s'affirmer en tant que femme et adulte. Face au regard des autres Adèle grandit, se cherche, se perd, se trouve...

La Moyenne des Ours : 2/5

Le point de vue de Pépite : 3,5/5
J'arrive après le tumulte, après les polémiques, et les 1001 critiques (quasi toutes positives, à l'exception de quelques unes, dont celle de mon camarade Le Comte, ci-dessous)... Mais en même temps, La Vie d'Adèle n'est pas un film facile à appréhender tant il est riche. Riche, mais aussi complexe et non exempt de défauts. Tant de choses ont été dites, je ne serais là que pour résumer simplement mon ressenti lors des deux projections auxquelles j'ai assisté (la première à Cannes, la seconde quelques jours après sa sortie nationale).
La principale qualité de La Vie d'Adèle est la construction ultra-efficace de chacune de ses scènes. En effet, au sein de chaque scène tout le long du film, le rythme du montage, des dialogues, le jeu des comédiens, etc., tout est calibré avec brio et efficacité. Au sein de chaque scène on vit avec ces personnages plus vrais que nature, touchants mais aussi parfois drôles. À part certaines scènes où le jeu des comédiens se fait un peu plus caricatural (je pense à l'une des amies d'Adèle, inquiète que celle-ci ait dormi avec elle "à poil dans son lit", ou même à Léa Seydoux lorsqu'elle décide de rompre avec Adèle), c'est bien la direction d'acteur qui apporte beaucoup à cette efficacité locale.
Locale, car oui, le problème principal de La Vie d'Adèle est sa longueur. Ce n'est pas une question de "Oh ça dure 3h j'ai la flemme...", au contraire. De nombreux films parviennent à dépasser les 2h30 sans qu'on ressente vraiment des longueurs (le récent Prisoners en est un bon exemple). Kechiche veut montrer trop de choses, ce qui alourdit la narration. Du coup, il en profite pour faire une scène de coït de 7min, qui s'éloigne de l'efficacité de la plupart des scènes du film pour se rapprocher de ce reproche que je fais au film dans sa globalité : trop long. Pourtant, j'ai cru comprendre que le film n'était déjà pas complètement fidèle à la bande dessinée... Il aurait donc pu faire beaucoup plus de choix dans ce qu'il voulait raconter, et La Vie d'Adèle y aurait gagné.
Mais non, l'époque est au tout-numérique et au non-choix, aux prises de 1h avec lesquelles le monteur doit se débattre pour extraire l'essence... C'est la vie ?

Le Mot du Comte : 0,5/5
Il y a 10 ans de cela, Abdellatif Kechiche inventait le Nouvel Académisme du cinéma français : permanence du filmage en caméra épaule, naturalisme brut et obsession du Réel, aussi bien par les décors que par le verbe. Depuis, cet académisme a proliféré un peu partout, jusqu’à devenir la norme facile d’un certain cinéma français.
"La Vie d’Adèle" ne déroge pas à ce commandement. Ainsi, pendant trois heures, Kechiche ne se renouvelle absolument pas et, confortablement installé dans les sentiers qu'il a lui-même tracé, il déçoit. Son filmage se résume à des champs/contrechamps en gros plan (il existe pourtant beaucoup d’autres focales) avec une caméra en permanence plantée devant les visages de ses actrices, qui débitent de longues conversations pleine de vacuité, des mots de "tous les jours". Naturalisme brut, disais-je.
Voici donc un film plat, enfermé dans un académisme étouffant et dont l’histoire est un petit mélodrame inoffensif dont on devine très facilement les contours et la finalité (oui il y aura des larmes, oui il y aura de la morve), et dont le seul exotisme repose dans une histoire d'amour lesbienne filmée par un homme, qui a sûrement cru bon de nous balancer ses fantasmes à l'écran. Une large partie de ce mélo est ankylosée par des analogies lourdingues, comme ces scènes de classe où le cours de français sur Marivaux évolue en même temps que l’état d’âme d’Adèle (on a déjà vu ce film, il s’appelle "L’esquive"), ces sous-entendus appuyés sur les huîtres et la manière de les manger (le spectateur a visiblement besoin d'un dessin), ou encore cette scène outrageusement ringarde dans laquelle Emma apparaît à Adèle en fantasme après une première entrevue dans la rue complètement ratée, car filmiquement bâclée. Subtilité et délicatesse.
Ainsi conscient d’être piégé par sa méthode et la platitude de son intrigue, Kechiche tombe alors dans la plus immonde des putasseries, un racolage d’une répugnance sidérante. Le voilà résumé à filmer les ébats non simulés (où en tout cas, à l'extrême limite de la simulation) de ses deux comédiennes, de manière crue et frontale (curieusement, c'est ici qu'apparaissent les rares plans larges du film). Que sont alors ces scènes, si ce n’est de la pornographie bien éclairée ? Quel est ce cinéma français obligé de tomber dans la pornographie pour trouver sa radicalité ? Car si l’acte n’est pas simulé, les actrices simulent leurs sentiments pour un public qui en demande toujours plus. Ce n'est là qu'une forme analogue de la prostitution.
La seule émotion qui se dégage alors de ses scènes étirées où l’on montre tout (tuant dans l’œuf tout érotisme et toute imagination), c’est une gêne profonde pour ses actrices contraintes de se prostituer pour un auteur désormais pornographe légitimé par la nomenklatura d’un cinéma français voyeuriste.
Si le corps de Léa Seydoux est tombé depuis bien longtemps dans le domaine public (de "La Belle Personne" jusqu'à "Grand Central"), il est profondément triste de voir ce qu’Adèle Exarchopoulos est obligée de faire pour être reconnue dans un milieu très français où il faut désormais montrer son vagin pour percer (ce n'est alors plus du jeu mais de la performance). Et ce syndrome se répand telle une cellule cancéreuse dans le cinéma français d'aujourd'hui ("Louise Wimmer", "Michael Kohlhaas", "Camille Claudel 1915", "Crawl" et tant d’autres) désormais incapable de se passer de la monstration gratuite d’une bite.
On saluera le talent d’Adèle Exarchopoulos pour cette mauvaise raison, sa capacité à se mettre à poil, et non pour son jeu pur, pourtant révélé dans ses scènes de dispute à hautes doses de larmes et de morve.
Kechiche valide ainsi (sans le vouloir, on lui accordera ce doute), les pires thèses de la télé réalité et de l’image jetable, la monstration absolue sans tabou à un spectateur mateur et l'assassinat programmé du rêve cinématographique. En montrant tout, on ne montre en réalité rien. Et cet étalage, cette négation profonde de l’intimité, cette donation du corps se fait donc au nom de l’Art, au nom du dieu Réel. Quelle est donc la prochaine étape de ce cinéma français là ? Finirons-nous par tuer quelqu’un devant une caméra au nom de l’Art ? L’Art n’engage pas à tout accepter, le cinéma n'engage pas à tout subir.
"La Vie d’Adèle" n’existe que par et pour ces scènes pornographiques, radicalités nouvelles perdues dans un océan d’images plus attendues les unes que les autres (ce non-choix, "laisser faire le réel", n’est pas la preuve d’une mise en scène travaillée) et de clichés (le rejet des amies d'Adèle dans cette scène de cour de récré dont l'engueulade artificielle - "tu mates mon cul sale gouinasse?!", est sortie d'un chapeau magique). Cette addition ne dégage pas l'ombre d'une force ni l'ébauche d'une émotion. Certains trouveront dans le film un air du temps, une pédagogie nécessaire ou feront le rapprochement avec les débats sur le mariage gay, mais ce n'est pas le propos de "La Vie d'Adèle" qui ne se focalise (à tort ou à raison) que sur sa petite intrigue amoureuse, bien loin de l'épopée adolescente à laquelle on pouvait s'attendre.
Triste destin pour ce cinéma d’auteur là, qui s’engage sur une pente irréversible. Triste message envoyés aux générations futures et aux apprenties comédiennes. Toujours plus loin, toujours plus fort, voilà ce qu’il faudra désormais faire pour exister et être vu. Merci Abdellatif Kechiche.

samedi 25 mai 2013

FESTIVAL DE CANNES 2013


Du 15 au 26 Mai 2013, les Ours se chargent de couvrir pour vous la 66ème édition d'un des festivals de cinéma les plus importants du monde, le Festival de Cannes.
Comme tous les films Cannois ne sortent pas au cinéma ce mois-ci, retrouvez ci-dessous les notes des films vus en Sélection Officielle, classés du meilleur au pire !

INSIDE LLEWYN DAVIS, de Joel & Ethan Coen.
Pépite : 4,5/5, Comte : 4,5/5.
Moyenne des Ours : 4,5/5.

LA GRANDE BELLEZZA, de Paolo Sorrentino.
Pépite : 3,5/5, Comte : 5/5.
Moyenne des Ours : 4,3/5.

LA VÉNUS À LA FOURRURE, de Polanski.
Pépite : 4,5/5, Comte : 4/5.
Moyenne des Ours : 4,3/5.

ALL IS LOST, de J.C. Chandor (HC).
Pépite : 4/5, Comte : 4/5.
Moyenne des Ours : 4/5.

LE PASSÉ, de Asghar Farhadi.
Pépite : 4/5, Comte : 3,5/5.
Moyenne des Ours : 3,8/5.

BORGMAN, de Alex Van Warmerdam.
Pépite : 4,5/5, Comte : 3/5.
Moyenne des Ours : 3,8/5.

JEUNE & JOLIE, de François Ozon.
Pépite : 3,5/5, Comte : 3,5/5.
Moyenne des Ours : 3,5/5.

THE IMMIGRANT, de James Gray.
Pépite : 3,5/5, Comte : 3,5/5.
Moyenne des Ours : 3,5/5.

MICHAEL KOHLHAAS, de Arnaud des Pallières.
Pépite : 4/5, Comte : 3/5.
Moyenne des Ours : 3,5/5.

TEL PÈRE, TEL FILS, de Hirokazu Kore-Eda.
Pépite : 3,5/5, Comte : 3,5/5.
Moyenne des Ours : 3,5/5.

ONLY LOVERS LEFT ALIVE, de Jim Jarmusch.
Pépite : 3,5/5.
Moyenne des Ours : 3,5/5.

JIMMY P., de Arnaud Desplechin.
Pépite : 3,5/5, Comte : 3/5.
Moyenne des Ours : 3,3/5.

BEHIND THE CANDELABRA, de Steven Soderbergh.
Pépite : 3/5, Comte : 3/5.
Moyenne des Ours : 3/5.

THE SHIELD OF STRAW, de Takeshi Miike.
Pépite : 3/5.
Moyenne des Ours : 3/5.

GATSBY LE MAGNIFIQUE, de Baz Luhrmann (HC).
Pépite : 3/5, Comte : 1,5/5, Juani : 2/5, Tinette : 3,5/5.
Moyenne des Ours : 2,5/5.

UN CHÂTEAU EN ITALIE, de Valeria Bruni-Tedeschi.
Pépite : 3/5, Comte : 2/5.
Moyenne des Ours : 2,5/5.

ONLY GOD FORGIVES, de Nicolas Winding Refn.
Pépite : 3,5/5, Comte : 2,5/5, Juani : 1,5/5, Tinette : 1/5.
Moyenne des Ours : 2,1/5.

LA VIE D'ADÈLE, de Abdellatif Kechiche.
Pépite : 3,5/5, Comte : 0,5/5.
Moyenne des Ours : 2/5.

A TOUCH OF SIN, de Jia Zhangke.
Pépite : 1,5/5, Comte : 2/5
Moyenne des Ours : 1,8/5.

BLOOD TIES, de Guillaume Canet (HC).
Pépite : 1/5, Comte : 1/5
Moyenne des Ours : 1/5.

mercredi 22 mai 2013

ONLY GOD FORGIVES

1h30 - Sortie le 22 mai 2013

Un film de Nicolas Winding Refn avec Ryan Gosling, Kristin Scott-Thomas & Vithaya Pansringarm
À Bangkok, Julian, qui a fui la justice américaine, dirige un club de boxe thaïlandaise servant de couverture à son trafic de drogue. Sa mère, chef d’une vaste organisation criminelle, débarque des États-Unis afin de rapatrier le corps de son fils préféré, Billy : le frère de Julian vient en effet de se faire tuer pour avoir sauvagement massacré une jeune prostituée. Ivre de rage et de vengeance, elle exige de Julian la tête des meurtriers. Julian devra alors affronter Chang, un étrange policier à la retraite, adulé par les autres flics...

COMPÉTITION OFFICIELLE DU FESTIVAL DE CANNES 2013

La Moyenne des Ours : 2,1/5

Le point de vue de Pépite : 3,5/5
Ô combien je plains les spectateurs qui seraient allé voir Only God Forgives avec l'exemple de Drive en tête... Grave erreur ! Les plus rusés y sont allé sans aucune référence en tête, ou à la rigueur avec Le Guerrier Silencieux de Winding Refn...
Son dernier film est un objet cinématographique difficilement appréhendable. Sa qualité plastique est indéniable, et la symbolique utilisée tout au long du film (tant au niveau de la photographie que de la mise en scène) fait office de dialogue, les scènes parlées étant plutôt peu nombreuses et souvent dues au personnage de Kristin Scott-Thomas, assez drôle d'ailleurs.
Certes le rythme très lent du film peut devenir parfois assez caricatural (les poses légendaires de Ryan Gosling, sacré roi de l'underplaying pour un seul de ses nombreux rôles au cinéma, sont ici interminables) mais le film jouant constamment sur le contre-point, on peut comprendre qu'entre deux scènes un peu violente Nicolas Winding Refn décide de tout ralentir.
On aurait pu espérer des histoires un peu plus épais et consistants, or, à part un ou deux détails distillés ci et là, on n'a pas grande chose d'autre que des figures - très intéressantes, mais un peu faibles.
Only God Forgives est un film qui se digère, qui gagne à être réfléchi et peut-être même revu... Mais les aficionados de Nicolas Winding Refn, les vrais, les durs, devraient néanmoins s'y retrouver.

Le Mot du Comte : 2,5/5
Les fans absolus de "Drive" risquent d’être fortement déçus par le nouvel opus de Nicolas Winding Refn, car "Only God Forgives" n’a presque rien à voir avec son précédent film.
L’on trouve toujours une image magnifique, qui explore à peu près toute la gamme colorimétrique, tout en jouant subtilement avec les ombres et les recoins sombres. La bande son de Cliff Martinez est également en parfaite adéquation avec le film, et ce, dès ce générique tonitruant (et qui se rapproche beaucoup de ceux que fait Gaspar Noé – le film adopte d’ailleurs presque le même style graphique que "Enter the Void", le trip en moins). Une insécurité permanente règne dans cet univers lumineux mais ténébreux qui joue beaucoup sur l’exotisme mystérieux d’une Thaïlande vue aussi bien depuis ses bas-fonds que par sa culture du karaoké. 
La mise en scène de Refn lui semble tellement obsessionnelle qu’elle n’est pas loin de frôler l’auto-caricature. Car le problème majeur de "Only God Forgives", c’est que le film ne semble être qu’un prétexte à beaux travellings. La mise en scène submerge un scénario d’une minceur extrême et qui se limite à la formule d’Eschyle : "la violence engendre la violence". Et cette violence extrême – voilà l’intelligence du film, se situe surtout du côté du Bien, à travers ce personnage de policier-gourou qui officie en tant que juge et bourreau, chassant le Mal étranger qui corrompt son pays. Point positif, Refn parvient à ne pas tomber pas dans le film de vigilante crétin.
Vithaya Pansringarm est d’ailleurs un choix judicieux pour ce rôle. Son visage calme et gentil fournit un paradoxe à son personnage. S’il est riche en contradiction (quel bon chanteur!), on regrette qu’il ne soit pas plus fouillé (notamment sur son passé) et que l’empathie du spectateur ne soit pas exacerbée.
Car voilà, l’autre problème de "Only God Forgives" repose dans ses personnages, aussi épais qu’un brin d’herbe et qui marchent comme des robots inexpressifs. Caricatures. Seule Kristin-Scott Thomas (en Lady Macbeth vidée de substance) s’énerve un peu, pendant que Ryan Gosling prend la pose, appuyé tantôt contre un mur, tantôt contre une porte, parangon scandaleux du sous-jeu permanent (il dégage encore moins d’émotion que dans "Drive"). Foutage de gueule.
Qui plus est, "Only God Forgives" ne fouille pas grand chose, et surtout pas ses thématiques, comme ce délire oedipien, qui ne fait que justifier une scène provocante pour un sou, où une main rentre dans un utérus.
De l’ambiance, du style (qui n’égale pourtant pas le pouvoir englobant d’un Gaspar Noé) et pas grand chose d’autres. Voilà ce qu’est "Only God Forgives", un écrin fait par un réalisateur qui sait être redoutable, mais qui l'est ici trop peu. Le spectateur finit alors par croire, hélas, que la première qualité du film est de ne pas être trop long.

La note de Juani : 1,5/5
La note de Tinette : 1/5

LE PASSÉ

2h10 - Sortie le 17 mai 2013

Un film de Asghar Farhadi avec Bérénice Bejo, Tahar Rahim & Ali Mosaffa
Après quatre années de séparation, Ahmad arrive à Paris depuis Téhéran, à la demande de Marie, son épouse française, pour procéder aux formalités de leur divorce. Lors de son bref séjour, Ahmad découvre la relation conflictuelle que Marie entretient avec sa fille, Lucie. Les efforts d'Ahmad pour tenter d'améliorer cette relation lèveront le voile sur un secret du passé.

PRIX D'INTERPRÉTATION FÉMININE AU FESTIVAL DE CANNES 2013

La Moyenne des Ours : 3,8/5

Le Mot du Comte : 3,5/5
La première force du "Passé", c’est bien évidemment son scénario, qui entretient pendant les 2h10 du film une mécanique très bien huilée, qui se renouvelle sans cesse et où l’on suit avec attention et empathie chacun des personnages. Un drame intimiste qui ne laisse également rien au hasard, qui utilise à fond son contexte, et qui parvient à transformer du presque rien en complexe. Efficacité du peu, subtilité du verbe et des petits gestes.
L’autre force du film repose dans la direction d’acteur et Asghar Farhadi excelle dans ce domaine. Ali Mosaffa est époustouflant dans ce rôle de témoin extérieur qui rend service pour rien et qui au final, s'en prend plein la gueule. Le duo qu’il forme avec Tahar Rahim est très solide. Bérénice Bejo hérite hélas du rôle un peu ingrat, celui d’une mère gueularde et qui enchaîne les âneries.
En revanche, c’est au niveau de la mise en scène que cela coince un peu, c’est assez pale et très timide. Jamais bien transcendante, elle contient cependant quelques partis pris, comme les conversations inaudibles à travers les vitres ou le plan final.
"Le Passé" est un film solide servi par d’excellent comédiens, mais à qui il manque peut-être un souffle, une étincelle.

Le point de vue de Pépite : 4/5
Le réalisateur de l'excellent Une Séparation revient en force avec un très beau film, touchant, délicat et très réaliste.
En effet, Le Passé constitue un nœud de non-dits que l'on se passionne à démêler avec ses personnages bons et beaux. C'est une histoire on-ne-peut-plus réaliste qui commence très simplement : Ahmad (le bouleversant Ali Mosaffa, grandiose !) arrive sur Paris pour officialiser son divorce avec Marie (l'excellente Bérénice Béjo, héritant néanmoins du personnage le plus antipathique du film). Tout simplement, oserait-on dire. Mais la présence de Ahmad, qui va en quelque sorte jouer le rôle d'enquêteur à nos côtés, va soulever une à une les couches de mensonges et de non-dits qui existent entre tous les personnages, de Marie à son nouveau compagnon Samir (Tahar Rahim, également très bon), aux enfants de Marie, en passant par l'employé de Samir, etc. Chaque petit détail aura son importance et on ne peut jamais vraiment deviner où l'on va, ce qui ici n'a rien de frustrant, c'est au contraire passionnant.
La mise en scène, simple, belle et efficace, permet d'être vraiment au coeur des relations entre tous ces personnages, dans leurs émotions et leurs débordements.
Le Passé est un très bon film, à ne pas rater. Bérénice Béjo, pas aussi incroyable que ses deux partenaires principaux, est repartie avec un prix d'interprétation féminine du Festival de Cannes, et elle le doit à son très bon réalisateur Asghar Farhadi.

mercredi 15 mai 2013

GATSBY LE MAGNIFIQUE

2h22 - Sortie le 15 Mai 2013

Un film de Baz Luhrmann avec Leonardo DiCaprio, Carey Mulligan, Tobey Maguire & Joel Edgerton
Printemps 1922. L'époque est propice au relâchement des mœurs, à l'essor du jazz et à l'enrichissement des contrebandiers d'alcool… Apprenti écrivain, Nick Carraway quitte la région du Middle-West pour s'installer à New York. Voulant sa part du rêve américain, il vit désormais entouré d'un mystérieux millionnaire, Jay Gatsby, qui s'étourdit en fêtes mondaines, et de sa cousine Daisy et de son mari volage, Tom Buchanan, issu de sang noble. C'est ainsi que Nick se retrouve au cœur du monde fascinant des milliardaires, de leurs illusions, de leurs amours et de leurs mensonges. Témoin privilégié de son temps, il se met à écrire une histoire où se mêlent des amours impossibles, des rêves d'absolu et des tragédies ravageuses et, chemin faisant, nous tend un miroir où se reflètent notre époque moderne et ses combats.

La Moyenne des Ours : 2,2/5

Le point de vue de Pépite : 3/5
Gatsby le magnifique est un film-torrent qui émerveille et fascine, mais fatigue à vouloir trop en faire.
La 3D est l'élément le plus caractéristique de ce trop-plein distillé par Baz Luhrmann dans son dernier film. De surimpression en surimpression, d'éblouissement en éblouissement, on est un peu perdu dans le méli-mélo d'images présenté par Luhrmann bien qu'émerveillés au départ. En effet, ce trop-plein d'images est très cohérent et pertinent au début du film, le réalisateur dépeignant avec brio l'univers conté originellement par Francis Scott Fitzgerald, cette tumulte new yorkaise des années 20, les fêtes, la bourse, et encore plus de fête, etc. Même l'anachronisme musical dont s'est rendu maître Luhrmann sert à merveille son film, cette ambiance festive et l'agitation contemporaine.
La photographie, la mise en scène, la direction artistique (les décors et surtout les costumes sont vraiment réussis !), le casting (Edgerton et Clarke, deux australiens, mes préférés) tout concourt à créer un Gatsby le magnifique réussi.
Seulement Gatsby, ce n'est pas uniquement ces fêtes et ces gens joyeux. C'est lorsque le drame fait son apparition dans le film que "ça se gâte". C'est parce que le drame apporte son lot de longueurs et de lourdeurs (la musique se fait très empathique et souligne tout) que l'ennui pointe légèrement le bout de son nez. Il en faut peu, mais voilà, l'émerveillement du début se mue en attente, attente de scènes ou de moments plus forts. 
Mais ce n'est pas ça qui va tout gâcher, et Gatsby reste une adaptation plutôt réussie du roman de F.S. Fitzgerald.

Le Mot du Comte : 1,5/5
Dans la catégorie des films poids lourds, "Gatsby le Magnifique" est un film obèse, qui suinte de graisse dégoulinante à chaque plan, dans un contexte de trop-plein visuel permanent. La superficialité des décors (naturels ou informatiques), l’obsession pour la chorégraphie (ces majordomes qui ouvrent trois portes en même temps) et la réalisation en carton de Baz Luhrmann n’ont qu’une utilité : nous faire sortir du récit pour admirer la pseudo-flamboyance du film, infligé à coups de reluisants travellings numériques (d’une baie à l’autre) et de compositing dégueulasses en fonds verts. Effervescence fatiguante.
Car ce qui s’affiche à l’écran n’est que niaiserie absolue, mise en scène ringarde et cucul (flashbacks surannés et violons tirés à souhait). Baz Luhrmann, cinéaste de la subtilité et de la retenue, suit le parcours d’un financier-écrivain qui écrit (le film est un flashback) et donc à l’écran s’affiche ses mots, eux-mêmes énoncés par une voix-off omniprésente et usante. Et le montage calamiteux de la première partie n’arrange pas les choses.
Au niveau de la bande-son, l’anachronisme musical est intéressant, mais il n’est qu’argument et non motif, parasité sans cesse par la désastreuse partition de Craig Armstrong, tout en violons et en clichés.
Le point fort du film, c’est avant tout la mythologie autour du personnage de Gatsby et comment elle est préparée, et cette plongée dans le monde des ultrariches de Long Island. Le problème est que Luhrmann rend ce monde très antipathique, très faux (même s'il l'est, on devrait ressentir de l'empathie pour Gatsby). Ainsi, dans cet univers où les téléphones sont posés sur des colonnes de marbres, l’on s’intéresse à des caprices de milliardaires et leurs angoisses bidons (Gatbsy veut absolument faire prononcer une phrase à Daisy –sous peine de caca nerveux, et cela dure tout le film). Car si le mystère autour de Gatbsy est bien monté, les révélations du film sont expédiés pour une romance inachevée et ne valent tout simplement pas le détour. Triste à dire, mais "Gatsby le Magnifique" se vide de toute substance après sa première heure. Ne reste que le reflu et les éléments inexploités du décor (comme ce grand panneau bardé de lunettes, allégorie raffinée de Dieu).
Quand au thème du film, Luhrmann enfonce, les unes après les autres, des portes grandes ouvertes : l’argent ne fait pas le bonheur, les riches n’ont que des amis superficiels, etc. Pas grand chose donc, de ce coté-ci.
Niveau casting, ça coince un peu. Di Caprio semble recycler ses expressions de "Django Unchained" (ce fameux plissage de sourcil) et cabotine pas mal. Point positif, Tobey Maguire est moins prune confite que d’habitude. Quant à Joel Edgerton, il hérite du rôle bâclé, ce qui le rend si caricatural et grossier qu’on n’y croit pas une seconde.
Mais ce qui est le plus ambigu dans le film (et le plus maladroit), c’est sûrement cette reconstitution fantasmatique du New York des années folles, à deux doigts du réactionnaire naïf (et donc dangereux), où les noirs ne sont bons qu’à ouvrir des portes ou jouer de la trompette sur des balcons. Si on ajoute à cela le fait que Edgerton campe un raciste, cela donne un drôle de fantasme de riches blancs.
"Gatbsy le Magnifique", reluisant pour rien et trop long, est un film qui n’a de travaillé que son emballage. Quand au fond et à l’émotion, hormis deux ou trois vifs instants, on cherche encore.

La note de Juani : 2/5

MAMA

1h40 - 15 mai 2013

Un film de Andres Muschietti avec Jessica Chastain, Nikolaj Coster-Waldau & Megan Charpentier 
Il y a cinq ans, deux sœurs, Victoria et Lily, ont mystérieusement disparu, le jour où leurs parents ont été tués. Depuis, leur oncle Lucas et sa petite amie Annabel les recherchent désespérément. Tandis que les petites filles sont retrouvées dans une cabane délabrée et partent habiter chez Lucas, Annabel tente de leur réapprendre à mener une vie normale. Mais elle est de plus en plus convaincue que les deux sœurs sont suivies par une présence maléfique…

Le Mot du Comte : 2/5
"Mama" est un film d’horreur qui possède très peu d’originalité. En fait, il ressemble à tous les films d’horreur produit par l’usine de Guillermo Del Toro. En soi, il est bien fait, mais n’est absolument pas effrayant. Le spectateur innocent sursautera une fois ou deux, peut-être.
Niveau scénario, il y a un mystère, mais qui au final n’en vaut pas vraiment la peine. Qui plus est, le récit est bardé d’incohérences (qu’est devenu le frère de Lucas ? Nul ne le sera). Si on ajoute à cela le fait que le spectateur a constamment de l’avance sur ce qu’il va se passer (mais quand même moins que dans "Evil Dead") : on devine presque tous les morts et les moments flippants avant qu'il ne se produisent. Certains seront satisfaits d’y trouver une allégorie sur l’apprentissage à la maternité (par le moyen d'une Jessica Chastain perruquée), d’autres la trouveront bien maladroite.
Un film d’horreur banal et bien fait, voilà ce qu’est "Mama", rien d’autre.

mardi 14 mai 2013

POST TENEBRAS LUX

1h53 - Sortie le 8 mai 2013

Un film de Carlos Reygadas avec Rut Reygadas, Eleazar Reygadas
Au Mexique, Juan et sa jeune famille ont quitté la ville pour s’installer à la campagne. Là, ils profitent et souffrent d’un monde qui voit la vie différemment. Juan se demande si ces mondes sont complémentaires, ou bien s’ils s’affrontent inconsciemment pour s’éliminer entre eux.

La Moyenne des Ours : 2/5

Le point de vue de Pépite : 0,5/5
Peu de choses à dire sur ce délire masturbatoire rageant et vain. Je regrette de n'avoir pas adhéré au film, malgré la qualité plastique incontestable, ce sont des choses qui arrivent...

Le Mot du Comte : 3,5/5
Loin d’être un film narratif pur et dur (le film ne raconte presque aucune histoire), "Post Tenebras Lux" est un film à sensations pures. Dès les premières minutes (avec ces plans d’une fillette perdue dans un champ entre des chiens et des vaches, sous un ciel orageux), on ressent une vraie angoisse, et cette angoisse tient tout au long du film. Jouant en permanence avec l’imaginaire du spectateur, le film l’amène à redouter le pire à chaque plan. Menace perpétuelle. Carlos Reygadas parvient à transformer des instants anodins en moments terrifiants (une pièce plongée dans le noir, un homme abat un arbre dans une forêt qui semble hantée, des chiens rongent leurs os machinalement). Il faut ajouter à cela le décorum de l’histoire (une famille du Mexique occidental vient habiter dans la forêt, chez les paysans du Sud) à de grandes scènes de malaise (quand Juan frappe son chien qui couine, c’est horrible). Au fur et à mesure que le film progresse, on découvre le thème du film, à savoir l’opposition de deux Mexiques, celui du Nord et celui du Sud, le riche et le pauvre. Juan est riche (et tourmenté par ses propres obsessions) et devient la victime des gens du Sud.
Les images sont très belles et le dispositif plutôt intéressant : cette lentille déformante, qui ressemble à l’œil d’un esprit vengeur, semble être la source de l’angoisse. En revanche, la confusion règne quant à l’interprétation de séquences qui semblent perdues dans une chronologie éclatée (la scène de football, celle du sauna libertin, que dire ?)
"Post Tenebras Lux" est parfois trop long, et certains éléments du film (qui, s’il laisse des accroches émotionnelles, ne laisse que peu de pistes d’interprétations) relèvent du délire un peu fermé : ce diable ridicule et sa caisse à outil, ou encore l’autodécapitation finale.
Si le film peut rebuter par son aspect parfois hermétique et l’absence de narration formelle, "Post Tenebras Lux" parvient, avec presque rien, à distiller une forte dose d’émotions. Pas d’interprétations à chercher ici, juste du ressenti pur.

samedi 11 mai 2013

L'ESPRIT DE 45

1h34 - Sortie le 8 Mai 2013 

Un film de Ken Loach
L'année 1945 a marqué un tournant dans l'histoire de la Grande-Bretagne. L'unité de son peuple pendant les combats de 1939-1945, et le souvenir douloureux de l'entre-deux-guerres ont conduit à l'émergence d'un nouvel idéal social. La fraternité est ainsi devenue le mot d'ordre de cette époque. L'esprit de 45 entend mettre en lumière et rendre hommage à un moment-clé de l'histoire du Royaume-Uni, marqué par un sentiment de solidarité sans précédent dont l'impact a été significatif pendant de nombreuses années, et qui risque pourtant d'être redécouvert aujourd'hui.

Le point de vue de Pépite : 3,5/5
Ken Loach, patriarche et fer de lance du Cinéma Social Britannique, nous propose dans L'Esprit de 45 une leçon sur les formidables lois sociales promulguées par le parti Travailliste arrivé au pouvoir à la sortie de la 2nde Guerre Mondiale. Bien que présentant uniquement le point de vue socialiste qui est le sien, Loach développe assez longuement les différents point soulevés par ces questions sociales et convainc plutôt que persuade. Un montage soigné et ingénieux l'y aide, entre témoignages et images d'archives, le tout en noir et blanc.
Si le passage assez brusque des années 40 à l'arrivée au pouvoir de Thatcher peut surprendre, le saut dans le temps devient rapidement pertinent alors que toutes les avancées sociales des années 40 célébrées dans la première partie se retrouvent abolies ou rendues obsolètes dans la seconde.
Le montage audacieux montrant Thatcher juste après qu'un intervenant se soit posé la question de la responsabilité rentre en résonance avec l'actualité et la déclaration de Loach à la mort de Thatcher, très franche (voir un article détaillé).
L'Esprit de 45 est un documentaire et témoignage éclairé et généreux d'une génération, offert par Loach, qui soulève la question de notre propre génération et de nos moyens d'expression. Loach, Leigh et Frears (parmi d'autres) font partie d'une génération de réalisateur engagés ayant eu la chance de pouvoir s'exprimer grâce à la télévision puis le cinéma, chose relativement peu possible de nos jours. Peu de jeunes réalisateurs britanniques (Shane Meadows pour This is England ou John Crowley pour Boy A peut-être...) ont pu exprimer leurs opinions sur la situation sociale et politique du Royaume-Uni, pas par manque de talent, mais par manque d'opportunité. 
L'Esprit de 45 fonctionne peut-être également de cette façon comme un passage de relais.

vendredi 10 mai 2013

EVIL DEAD

1h30 - Sortie le 1er mai 2013

Un film de Fede Alvarez avec Jane Levy, Shiloh Fernandez, Lou Taylor Pucci
Mia a déjà connu pas mal de galères dans sa vie, et elle est décidée à en finir une bonne fois pour toutes avec ses addictions. Pour réussir à se sevrer de tout, elle demande à son frère David, sa petite amie Natalie et deux amis d’enfance, Olivia et Eric, de l’accompagner dans la cabane familiale perdue au fond des bois. Dans la cabane isolée, les jeunes gens découvrent un étrange autel, et surtout un livre très ancien, dont Eric commet l’erreur de lire un passage à haute voix. Les plus épouvantables des forces vont se déchaîner sur eux…

Le Mot du Comte : 1,5/5
Un prologue spectaculaire où une sorcière est brûlée. Une sinistre cabane au fond d'un bois. Un livre démoniaque qui ne doit pas être lu à haute voix, mais qui sera lu à haute voix quand même (c'est bien connu, tout le monde lit à haute voix), malgré l'interdiction écrite au sang dessus. Bienvenue dans le monde du cliché mille fois vu de film d'horreur. Voilà ce qu'est "Evil Dead". Des clichés enfilés les uns sur les autres. Les spectateurs habitués aux films d'horreur ne trouveront ici rien de nouveau, si ce n'est un côté franchement grand-guignolesque, avec ses personnages qui, pour sauver leur peau, se coupent les bras à coups de tôle ou de couteau électrique, sans que cela ne leur serve (hin hin), ni que cela ne soit drôle pour le pauvre spectateur égaré.
Ces personnages  à la caractérisation en carton (le beau gosse, la minorité afro-américaine, la blonde potiche, l'intello ou le hippie, on hésite), qui se comportent de manière absolument irrationnelle, ne sont que des accessoires à effets gores, de la chair à canon (ou à pâté, le terme étant plus approprié ici).
Car le gore est une des (seules) réussites du film, avec la photographie, soyons honnêtes. C'est à vous dégoûter des clous et des cutters, et c'est parfois insoutenable à voir. Mais l'absence totale de subtilité du film font que ces passages presque insoutenables disparaissent aussi vite qu'ils sont apparus. Et la banalité du scénario n'élève, on l'aura compris, absolument pas l'ensemble.
Pour le reste, seule subsiste l'impression que ce remake inutile est un film naïf perdu hors du temps, qui ne prend absolument pas en compte tous les films d'horreurs fait depuis le film originel. Qui plus est, en multipliant ses effets sanguinolents, le film atteint les sommets de la ringardise et finit de la même façon qu'il commence : dans l'indifférence la plus totale.

LA FLEUR DE L'ÂGE

1h23 - Sortie le 8 mai 2013

Un film de Nick Quinn avec Pierre Arditi, Jean-Pierre Marielle & Julie Ferrier
Gaspard Dassonville a 63 ans. Son style de vie en a la moitié : producteur de télévision réputé, il accumule les compagnes trentenaires et s’obstine à ignorer tout signe de vieillissement. Mais le grand âge lui tombe dessus avec fracas : Gaspard est contraint d’accueillir chez lui son père Hubert, devenu dépendant. Vieillard indomptable, Hubert vient perturber l’arrangement de son fils avec une jeunesse illusoire. Le duo se transforme en trio avec l’arrivée de Zana, aide-soignante aux références douteuses et à l’imagination débridée. Fascinés chacun à sa manière par cette femme peu conventionnelle, père et fils s’affrontent et se redécouvrent.

Le Mot du Comte : 2/5
"La fleur de l'âge" est un film relativement agréable, mais qui ne va, hélas, jamais bien loin. Parce qu'il est trop consensuel (sur un sujet pourtant difficile), trop lisse (autant dans l'image que dans son propos quasi-absent), et qu'il n'exploite presque pas son postulat (trois générations qui se superposent -Arditi, Marielle, Ferrier), "La fleur de l'âge" n'est en réalité qu'un petit téléfilm de prestige.
C'est dommage, car les acteurs sont plutôt bons. Arditi compose un personnage râleur mais ouvert et Marielle ne gatouille pas trop (on est loin de la performance caricaturale de "Max"). Quelques passages drôles contrastent avec de vrais moments d'émotions (la scène au restaurant ou ils apprennent la mort du fils d'un ami par exemple), hélas trop rares.
Il faut également regretter cette fin abrupte et le flagrant manque d'évolution des personnages, dans un récit sans vraie dramaturgie (quels sont les enjeux du film?) Car aucune des intrigues n'est vraiment achevée proprement, ou l'est de manière artificielle (comme celle concernant la carrière TV de Arditi). Qui plus est, on ne cerne pas trop le but de cette sous-intrigue concernant un trafic de fausses baskets, si ce n'est celui d'expédier lourdement Julie Ferrier en fin de film.
Très peu d'idées de cinéma dans "La fleur de l'âge", qui partait pourtant gagnant, appuyé par la sympathie naturelle de ces acteurs et le potentiel de son thème, trop peu fouillé.

jeudi 9 mai 2013

TRANCE


1h35 - Sortie le 8 mai 2013

Un film de Danny Boyle avec James McAvoy, Vincent Cassel et Rosario Dawson
Commissaire-priseur expert dans les œuvres d’art, Simon se fait le complice du gang de Franck pour voler un tableau d’une valeur de plusieurs millions de dollars. Dans le feu de l’action, Simon reçoit un violent coup sur la tête. À son réveil, il n’a plus aucun souvenir de l’endroit où il a caché le tableau. Ni les menaces ni la torture ne lui feront retrouver la mémoire. Franck engage alors une spécialiste de l’hypnose pour tenter de découvrir la réponse dans les méandres de l’esprit de Simon…

La Moyenne des Ours : 3,5/5

La pensée de Juani : 4,5/5
Je me flatte souvent en pensant repérer assez vite les ressorts scénaristiques des films. Cette fois, peu importe votre talent, je vous défie de me raconter la fin avant qu’elle n’arrive. Et le must c’est que Boyle y arrive sans nous prendre pour des c**s. Comme on dit, le diable se cache dans les détails et son « twist » final ne sort pas de nulle part. C’est rare, je sors de la salle en me sentant bernée, mais contente, ça sera une bonne note pour Boyle.
Mise à part ça, je suis assez révoltée du sort des personnages principaux masculins mais bon, ça ne regarde que moi – et je soupçonne Boyle d’en avoir joué – je n’en dirais pas plus et vous encourage seulement à aller le voir si vous n’êtes pas parti en weekend !

Le point de vue de Pépite : 4/5
J'ai découvert Trance dans la même salle dans laquelle j'avais à l'époque vu Inception pour la première fois, et la coïncidence est troublante. En effet, à l'instar du film de Nolan, celui de Danny Boyle joue avec notre esprit, nous torture et nous fascine.
D'un "inside job" dans une vente aux enchères d'art on passe rapidement à une sorte de huis clos très "ouvert" en apparence, car on reste en fait cantonnés aux mémoires et aux esprit de nos protagonistes, troublés par les techniques d'hypnose du personnage d'Eva Mendes (qui signe ici probablement un de ses meilleurs rôles). Le scénario de Joe Ahearne et John Hodge tisse des ramifications narratives complexes et intéressantes, qui n'ont pas pour effet de nous laisser sur le bas-côté ignares et perdus mais qui nous entraîne dans son tourbillon de tension. Ce qui est vraiment fort, c'est qu'on est tour à tour emphatique envers chacun des personnages : bien que McAvoy (très bon ici, tout en accent écossais et rouflaquettes rousses) nous semble être le personnage principal à suivre, on se surprend néanmoins à adhérer à d'autres points de vue que le sien... Sans en dire plus sur les ficelles du récit, celui-ci réussit à nous piéger, à nous délivrer, à nous faire un tour dans la psyché de manière passionnante.
Vincent Cassel convainc plutôt, son anglais étant très bon tout en utilisant à ses fins son côté "bien français", composant un personnage tantôt violent, tantôt plus mystérieux et complexe.
Côté mise en scène, Danny Boyle livre une réalisation très cohérente quant au matériau complexe du scénario, que du très bon.
Trance laisse une forte première impression bien qu'il fait probablement moins gamberger que le film auquel je le comparais en introduction, Inception. Danny Boyle nous emmène avec lui dans sa très réussie Trance, et nous mène en bateau de bout en bout : génialement révoltant.

Le Mot du Comte : 2/5
Le problème de "Trance" ne provient pas de la mise en scène de Danny Boyle qui, fidèle à lui-même, signe une réalisation nerveuse et survitaminée. Le problème de "Trance" le voilà : le scénario a le défaut de ses qualités.
Ainsi, le scénario, en apparence malicieux, mais en réalité totalement invraisemblable, nous balade de coup de théâtre en coup de théâtre, chaque demie heure ouvrant son lot de nouveaux tiroirs. En partant d’une intrigue simple (un quidam doit se souvenir), la pelote s’emmêle et au final, si le spectateur apprenait que le film entier n’est en fait que le rêve d’une mangouste sous amphétamines, cela lui serait égal. Cette mécanique trop bien huilée (pour sa complexité, le film ne dure « que » 1h30) ne laisse le temps à rien et ne permets pas d’installer une vraie empathie pour les personnages, dont on finit par se contrefoutre totalement. Si on ajoute à cela des éléments narratifs totalement délirants justifiés sur le tard, une fois que le ridicule a fait son œuvre (l’histoire du pubis épilé par exemple, ou ce final enflammé qui s'achève de manière guignolesque), l’ensemble ne dégage qu’une extrême froideur.
Les scénaristes Hodge et Ahearne semblent prendre un malin plaisir à rajouter artificiellement des couches à leur mille feuilles déjà bien garni. Le trop peu narratif de la ligne principale semble justifier le trop plein de celle liée au thème du film. Il faut être sacrément gonflé pour bâtir un scénario si complexe sur une pratique (l'hypnose) dont le niveau de croyance varie selon les individus. Et si le spectateur y croit peu, tant pis pour lui.
Au niveau du casting, c’est bidon. James McAvoy est outrageusement creux (quand il n’est pas ridicule –il s’adresse à la caméra dans les 10 premières minutes), et Vincent Cassel absolument pas crédible en truand français (surtout quand il balance le mot « fraise » à Rosario Dawson). Et cette musique lourdingue, artificiellement grandiloquente (on se croirait dans une pub pour une voiture) n’aide en rien le film.
"Trance", film froid et épuisant, ne vend presque que son scénario tape à l’œil bardé de twists à répétitions. Une belle coquille, savamment mise en scène certes, mais une coquille plutôt vide, surtout au niveau de l'émotion.

samedi 4 mai 2013

STOKER

1h40 - Sortie le 1er mai 2013

Un film de Park Chan-Wook avec Mia Wasikowska, Matthew Goode & Nicole Kidman
Après la mort de son père dans un étrange accident de voiture, India, une adolescente, voit un oncle dont elle ignorait l’existence, venir s’installer avec elle et sa mère. Rapidement, la jeune fille se met à soupçonner l’homme d’avoir d’autres motivations que celle de les aider. La méfiance s’installe, mais l’attirance aussi…

La Moyenne des Ours : 3/5

Le point de vue de Pépite : 4/5
Park Chan-Wook est un génie du montage, du cut et de la surimpression.
Si le sujet peut être grinçant pour certains, les occupations ou désirs des personnages étant quelque peu malsains, Stoker use d'un mystérieux magnétisme et nous hypnotise : on est fascinés par le dernier Park Chan-Wook.
La photographie exemplaire et la science du montage (élevée au rang d'art ici) qu'apporte Park Chan-Wook à sa première réalisation américaine montent le film au niveau de petit chef d'oeuvre, alors même que le remake américain du film qui l'avait révélé au public international, Old Boy, est en train d'être réalisé par Spike Lee.
Petit chef d'oeuvre, car non exempt d'éléments potentiellement rebutants : son rythme lent, le peu d'indices sur la longueur (alors qu'au moment de la révélation on nous dit tout d'un coup), et le faible accès aux pensées et raisonnements de ces psychopathes de personnages peuvent alourdir le film.
Stoker est un film efficace et réussi, démontrant qu'il est possible d'insuffler du fond à cette forme bien particulière du "film de montage", là où Berberian Sound Studio ennuyait.

Le Mot du Comte : 2/5
S'il arrive parfois qu'un scénario fasse boiter un film jusqu'à le plomber malgré une mise en scène relativement intrigante, il faudrait citer "Stoker" en exemple. Si le film met très longtemps à démarrer (pendant la première demie heure, on ne sait pas trop où l'on va), l'histoire est, dans son ensemble, très prévisible et du coup, pas très innovante. C'est dommage. Et le malsain provoqué par les thèmes qu'abordent le film (le sexe en rapport avec la mort, l'inceste fantasmé) est parasité par la grossièreté des coups de théâtres et l'absolu sérieux d'une intrigue qui tend pourtant grand les bras au second degré et à l'humour. Qui plus est, le film laisse très peu la porte ouverte aux interprétations, la faute à un mystère quasi-absent (c'est pourtant un des sujets du film) et en réalité très superficiel.
L'univers du film est un monde gothique un peu bidon, où les courriers sont écrits à la plume et avec lettrines. Le personnage de Mia Wasikowska (supposé fantasme des garçons du film, alors qu'on a surtout envie de la baffer), India, est une bourgeoise fascinée par le macabre (le piano, car c'est gothique), version Tim Burton cheap. Matthew Goode transmet autant d'émotion qu'une poupée de cire surmaquillée avec un balai dans le cul. Quand ce n'est pas tout bonnement ridicule (comme cette scène de masturbation sous la douche, en montage alterné avec une nuque qui se brise), "Stoker" fait aussi dans le lourdingue : elle met des talons et devient femme, le film serait alors une allégorie du passage à l'âge adulte? Stupeur candide.
Sinon, les morts s'empilent comme les incohérences (les gens disparaissent sans que cela éveille les soupçons, si ce n'est celui d'un shérif dénué de tout instinct policier).
Le déjà-vu du scénario plombe vraiment la mise en scène de Park Chan-Wook, qui parsème son film de jeux de montages intéressants et de motifs qui se répètent, le tout couronné par une extraordinaire direction sonore. Il est fascinant de constater que le film tient par ensemble de demie heure, mais très peu sur sa durée complète. Car oui, c'est très long.
Alors bien sûr, par ses thèmes et la littéralité des séquences (l'homme mystérieux du cimetière, la douche), c'est Hitchcockien. Mais l'emprunt gratuit, c'est un peu vain. Bien qu'il soit élégant (mais si peu raffiné), "Stoker" n'apporte hélas pas grand chose d'autre que ses références.

jeudi 2 mai 2013

DENIS

1h25 - Sortie le 1er mai 2013

Un film de Lionel Bailliu avec Fabrice Éboué, Jean-Paul Rouve & Audrey Dana
Par deux fois, Vincent a cru rencontrer la femme de sa vie. Par deux fois, elles l'ont quitté pour le même homme... Denis. Maintenant que Vincent file le parfait amour avec Anna, sa seule crainte est que l'histoire se répète. Alors il va tenter de comprendre : Mais que peuvent-elles trouver à ce type grande gueule, amateur de chemises bariolées, qui enseigne le catch comme une philosophie ?

La Moyenne des Ours : 1,5/5

Le point de vue de Pépite : 3/5
Les comédies françaises souffrent relativement souvent d'une mise en chantier trop rapide, le scénario étant généralement plutôt à l'état d'ébauche ou d'idée lorsque ceux-ci sont tournés (voir les billets "coup de gueule" relativement fréquents - et divertissants - du Comte, celui-ci étant déjà a priori moins tolérant que moi-même : Vive la France, La Cage Dorée, Mohammed Dubois, Les Gamins, Les Profs... pour ne citer que les plus récents). Si Denis ne semble finalement pas trop mal s'en sortir de ce côté-là, c'est grâce à sa construction cohérente et efficace. Bien que le pitch nous soit jeté à la figure bien rapidement (presque dès la première phrase du premier dialogue), la suite des péripéties s'enchaîne avec logique et humour, on se laisse même parfois surprendre lorsque les scénaristes détournent brièvement une étape scénaristique "obligatoire" pour en décupler l'humour. On rit dans Denis, mais c'est parfois de l'humour "gratuit" puisant sa source dans les situations plus que dans les personnages et leurs univers. En effet, s'il y a un problème majeur dans Denis c'est l'incohérence qui existe entre les différents univers : Fabrice Éboué est dans la police scientifique, Jean-Paul Rouve est catcheur, Sara Giraudeau est fleuriste, Simon Astier est un maniaque des régimes... Chacun présente un potentiel comique fort et exploité mais sans jamais tisser de lien de l'un à l'autre et c'est dommage, parce qu'on se questionne rapidement sur la finalité de ces univers : "So What ?".
Denis est une comédie sympathique et plutôt efficace, bien qu'incohérente et sous-exploitée dans ses multiples univers.

Le Mot du Comte : 0/5
A des milliers d'années de la sympathie habituellement afférente du spectateur pour cette catégorie de films fort connue que des langues extrêmes et vicieuses nomment les films de merdes, "Denis" offre un lamentable spectacle. Son défaut? Cette comédie n'est juste horriblement pas drôle. Jamais. Même pas une seule seconde. Rien. Aucun gag n'est drôle, tout est raté. Vide sidéral, néant absolu.
C'en est tellement gênant qu'on pense d'abord à une mauvaise blague ou à du second degré, mais non, le film existe bel et bien et se trouve être outrageusement sérieux et persistant dans sa médiocrité. 
Et ce n'est même pas divertissant. Le scénario regorge d'éléments narratifs mais ne les utilise pas. Exemples, Simon Astier (le pote d'Éboué) est un obsédé des régimes. So what? Éboué lui-même est officier de police scientifique et enquête sur un tueur en série surnommé Van Gogh. So what? On a la désagréable impression d'assister à la toute première ébauche du scénario (celle qui tient sur une coin de table), c'est affligeant. Si encore l'intrigue principale suffisait à combler le néant, non, elle prend même une tournure ridicule (qui s'achève par la mort - soi disant rigolote et pas du tout téléphonée, d'un des protagonistes, moyen facile de supprimer un personnage quand on ne sait plus quoi en faire). Aucun conflit, aucune caractérisation. Quel manque d'écriture. Quant à la question posée par le pitch, elle non plus ne sera jamais résolue.
Mais c'est peut-être au niveau du casting que ça coince le plus. Fabrice Éboué (dont on peine à comprendre les dialogues tant il mâche ses mots) erre sur l'écran, le regard vide (le même que sur l'affiche), en se demandant, tout comme nous ce qu'il fait là. C'est très gênant. Seule Audrey Dana semble jouer normalement. Quant à Denis, c'est l'accident industriel. Pourquoi? Parce que Jean-Paul Rouve avec des cheveux sales.
Le seuil maximal de pénibilité (et de gêne) est atteint lors de la scène finale de catch, où s'affichent à l'écran les noms des prises, formant des jeux de mots ultra pas drôles que des élèves de CP n'oseraient même pas faire. Après cette séquence, on ressent une profonde pitié pour les auteurs du scénario (Rouve et Éboué inclus), visiblement incapables d'avoir ne serait-ce qu'un peu de talent.
Il y a un célèbre mot en trois lettres qui serait idéal pour décrire la nature d'un tel film. Car "Denis", c'est le degré zéro de l'humour. Un film qui élève subitement "Vive la France" et tous les autres films calibrés et pas très drôles au Panthéon des comédies poilantes. Pitoyable et d'une pénibilité alarmante.

UPSIDE DOWN

1h45 - Sortie le 1er Mai 2013

Un film de Juan Solanas avec Jim Sturgess, Kirsten Dunst & Timothy Spall
Dans un univers extraordinaire vit un jeune homme ordinaire, Adam, qui tente de joindre les deux bouts dans un monde détruit par la guerre. Tout en luttant pour avancer dans la vie, il est hanté par le souvenir d’une belle jeune fille venant d’un monde d’abondance : Eden. Dans cet univers, son monde se trouve juste au-dessus de celui d’Adam - si près que lorsqu’il regarde vers le ciel, il peut voir ses villes étincelantes et ses champs fleuris. Mais cette proximité est trompeuse : l’entrée dans son monde est strictement interdite et la gravité de la planète d’Eden rend toute tentative extrêmement périlleuse.

Le point de vue de Pépite : 3,5/5
Upside Down est un conte fantastique, plus qu'un film de science-fiction, qui parvient à gérer un univers atypique avec une histoire d'amour à la Roméo & Juliette.
Le prologue est assez désarçonnant car il nous présente très rapidement et succinctement l'univers de science-fiction, notamment ses trois règles fondamentales de gravité, puis insiste sur l'histoire d'amour. Nous pourrions ici facilement nous croire dans une simple transposition de la tragédie Shakespearienne sur les deux amoureux nés de familles rivales, ici deux amoureux nés sur deux planètes différents, proches mais que tout oppose. Mais après une première partie idyllique et un peu simpliste, la tragédie prend un détour inattendu et Upside Down prend son envol devenant plus passionnant et plus vertigineux que l'on ne l'aurait pensé.
C'est dommage d'ailleurs que les personnages secondaires ne soient pas assez développés (à l'exception de celui de Tomthy Spall, Bob, qui est plutôt intéressant, drôle et sympathique) car ils auraient pu être un vecteur efficace pour faire passer une foule d'informations sur cet univers fantastique présenté par Juan Solanas. Ils ont du potentiel par leur fonction ou leur niveau d'amitié avec les héros, mais ils n'ont aucune histoire personnelle (ou très peu : on apprend uniquement qu'un ami d'Adam a perdu un frère qui avait voulu passer d'un monde à l'autre, c'est très fin). Sinon, l'histoire suit sa route d'une façon plutôt ingénieuse, bien que nous soyons souvent avides de détails.
Avec une photographie de la surexposition, certaines séquences sont à couper le souffle, malgré la difficulté évidente à filmer ces deux mondes l'un en face de l'autre, parallèles, et donc des personnages se regardant du dessus, risquant un toricolis. Enveloppant tout cela, la musique tend à faire dévier Upside Down vers une catégorie de films plus simples, indépendants, typiquement américain (à la "Garden State" de Zach Braff), déviation qui pourrait faire penser à celle opérée dans Real Steel (avec Hugh Jackman) : des musiques entre pop mélancoliques et nappes envoûtantes.
Upside Down aurait gagné à développer son potentiel Science-Fiction, mais dans cet état-là il reste avant tout un conte fantastique peut-être inaugural : voir le court et efficace épilogue au très fort potentiel...

mercredi 1 mai 2013

MOHAMMED DUBOIS

1h32 - Sortie le 1er mai 2013

Un film de Ernesto Ona avec Éric Judor, Sabrina Ouazani & Youssef Hajdi
Héritier de la banque Berthier, Arnaud Dubois a plutôt une tête à se prénommer... Mohamed. D'ailleurs ne serait-il pas plutôt le fils de Saïd, l'ex-prof de tennis de sa mère à Djerba ? Suite à une dispute avec son père, il décide de quitter le nid douillet du Vésinet. Il croise alors le chemin de Mustafa, qui lui présente sa sœur Sabrina dont Arnaud tombe immédiatement amoureux. Mais il réalise très vite que le seul moyen de la séduire est de lui laisser croire qu'il est un beur comme elle et qu'il s'appelle... Mohamed. Il s'installe alors dans la cité de Sabrina, où il fera tout pour s'intégrer.

Le Mot du Comte : 1/5
Si en soi, "Mohammed Dubois" a l'air sympathique, la volonté d'Ernesto Ona d'en faire une comédie populaire avec des ingrédients périmés laisse surtout une sale impression de réchauffé.
Cette comédie communautaire et communautariste (où certains jeux de mots ne sont compréhensibles que par des arabophones -malgré les fatigantes traductions qui s'affichent à l'écran), c'est un peu le monde des bisounours, avec cette morale consensuelle mille fois vue du "soyons tolérants". Et comme nous sommes dans une cité, il y a toujours un dealer, qui fait office de faux méchant (car au final, il est bien sympathique, comme tous les personnages du film). Et comme le sujet de l'immigration est abordé, il y a toujours des sans-papiers. "Mohammed Dubois" est, par sa nature, un geste assez pittoresque, car inoffensif et caricatural sur tout les points (les riches au Vésinet, les pauvres en HLM). Ça ne vole ni bien haut, ça ne vole pas bien loin.
Au menu du scénario, une intrigue à la mords-moi-le-noeud, dont beaucoup d'aspects sont passés sous silence à la fin du film (seule l'intrigue amoureuse principale est achevée). On retrouve ici la célèbre structure en flashback, qui prolifère dans les comédies françaises : le début du film est au présent, puis l'action se déroule "6 mois avant" et on récupère le présent dans le dernier quart d'heure. Cette structure montre clairement que les auteurs n'ont pas confiance en leur histoire (ils ont raison, elle ne vaut pas un clou) et modifient ainsi sa linéarité pour lui donner un relief artificiel.
Au niveau du casting et de la mise en scène, on reste au niveau téléfilm pour dindons moyens. La plupart des comédiens en font trop (surtout Judor et Biyouna) où sonnent tout simplement faux (pauvre Jackie Berroyer, absolument pas dirigé).
Malgré deux gags réussis, "Mohammed Dubois" est un film mal fichu, moche et insignifiant. En somme, un film micro-ondable.