dimanche 28 septembre 2014

I ORIGINS

1h46 - Sortie le 24 Septembre 2014

Un film de Mike Cahill avec Michael Pitt, Brit Marling, Astrid Bergès-Frisbey et Steven Yeun
Un jeune scientifique étudiant dans le secteur de la biologie moléculaire, précisément sur l'évolution de l'œil, et qui depuis des années, photographie les yeux des humains, rencontre une jeune femme : tous deux ont le coup de foudre malgré leurs différences : il est cartésien, elle est plutôt mystique. Leurs certitudes et croyances vont se retrouver ébranlées.

Le point de vue de Pépite : 3,5/5
I Origins est un beau drame subtilement SF sur les croyances, les certitudes, l'amour, la science et qui célèbre la coexistence du monde scientifique et du monde de l'esprit.
Mike Cahill nous revient dans un registre assez proche de celui qu'il abordait dans son très réussi premier film, Another Earth, à savoir celui de la science-fiction dramatique. Cette fois-ci, pas de deuxième planète Terre abritant potentiellement les doubles de tous les êtres humains, mais la quête d'Ian Grey, un scientifique passionné et obsédé par les yeux : l'évolution de l'organe et de son sens. Indissociable de l'intrigue scientifique, l'intrigue amoureuse entre ce scientifique et l'intrigante Karen constitue une histoire assez jolie et poétique pour devenir vraiment dramatique lors d'une scène assez choquante : c'est le souffle coupé et la gorge prise qu'on suivra ensuite les séquelles de cet événement dans la vie des personnages et ses imbrications infinies dans l'intrigue scientifique.
Karen, jouée par la franco-espagnole Astrid Bergès-Frisbey, est l'exact contraire d'Ian : artiste, elle est très ouverte au mysticisme et aux mystères de la vie qu'elle rattache à l'existence d'un monde spirituel. Ian au contraire ne croit que ce qu'il peut prouver scientifiquement. Leurs discussion sur cette dichotomie science/spiritualité rythmeront leur histoire d'amour, des concessions attendries aux disputes passionnées. 
Et tout l'intérêt du film réside ici : à chaque fois que la science semble l'emporter, un fait vient bouleverser nos certitudes et celles des personnages, on évolue toujours en même temps. Mais au final, aucune certitude scientifique ou même spirituelle ; Mike Cahill nous laisse faire notre propre idée de tout et nous participons donc pleinement au film et à ses rebondissements.
Et même lorsque tout s'achève, toujours aucune certitude.
Je vous recommande pleinement ce joli film indé, malheureusement très mal distribué en France (une seule salle à Paris !).

REFROIDIS

1h56 - Sortie le 24 Septembre 2014

Un film de Hans Petter Moland avec Stellan Skarsgård, Bruno Ganz et Pål Sverre Valheim Hagen
La Norvège, l’hiver. Nils, conducteur de chasse-neige, tout juste gratifié du titre de citoyen de l’année, apprend le décès de son fils par overdose. Réfutant cette version officielle, il se lance à la recherche des meurtriers, et va se forger une réputation de justicier anonyme dans le milieu de la pègre. Si la vengeance est un plat qui se mange froid, la sienne sera glacée !

Le point de vue de Pépite : 3/5
Tordant, cynique, savoureux et glacial, Refroidis est un polar original et efficace quoique parfois un peu long. La grande trouvaille de ce film - qui en anglais s'appelle In Order of Disappearance, est l'utilisation de cartons indiquant le surnom et le nom (assortis d'une croix) de la personne qui vient d'être tuée. Nous irons donc de meurtre en meurtre avec ces panneaux dont la régularité et la répétition apportent la touche principale de l'humour très cynique de Refroidis. Ceux-ci seront d'ailleurs modifiés ci et là selon les personnes tuées (utilisation hilarante de croix orthodoxes pour les victimes serbes par exemple).
Les codes du genre sont parfaitement maîtrisés bien qu'ils soient parfois un peu trop appuyés, certains comédiens notamment en font trop, mais cela fonctionne de pair avec l'ironie et le cynisme du film. Ces quelques caricatures de voyous pourront ponctuellement nous surprendre en questionnant dans de longs et pertinents dialogues la société "parfaite" de la Norvège. Constamment, des détails de ce genre viennent désamorcer les codes du polar et provoquent des décalages très souvent hilarants (une crise de fou rire du tueur et de la future-victime au milieu d'un combat par exemple).
Refroidis est un polar particulier mais très savoureux, à conseiller aux amoureux du genre et aux aficionados du cinéma nordique, efficace, froid et inventif.

TOUT EST FAUX

1h21 - Sortie le 19 Septembre 2014

Un film de Jean-Marie Villeneuve avec Frédéric Bayer Azem, Mathieu Lagarrigue, Marie Demasi et Hugo Malpeyre
Fred, un homme seul dans Paris, exécute chaque jour une tache monotone à son travail, il déambule ensuite dans la capitale s’imprégnant des éléments qui l’entourent. Il contemple la dynamique de l’environnement urbain, des meetings politiques des présidentielles 2012, des passants et de son amie Marie. Déboussolé face à un monde de plus en plus faux, Fred va se créer sa propre réalité...

Le point de vue de Pépite : 2,5/5
Un film inventif et intéressant, aux contours parfois "flous", qui explore des problématiques de l'homme moderne, impuissant et rendu muet par la société.
Tout n'est pas entièrement clair et évident au départ dans Tout est faux. Dans ce micro-petit-film-indépendant (équipe bénévole et budget minimum destiné à la régie directe), on suit Fred dans les rues de Paris, entre son boulot, ses rendez-vous fréquents avec son amie Marie, confronté à un dealer un peu fou, etc., et la narration ne fait pas sens tout de suite. Nous sommes un peu perdus dans la temporalité (marquée tout de même par l'évolution de la campagne politique de 2012), dans la géographie, dans le lien entre les différents personnages, etc. Mais au fur et à mesure, on réunit les pièces de ce puzzle narratif et on reconstitue tout ce qui fait de Fred un personnage-synthèse de l'homme moderne.
Le comédien Frédéric Bayer Azem nous donne un Fred souvent neutre, qui subit, ayant tout en dedans et aux limites de l'underplaying ; ce qui permet une identification intéressante avec cet homme. Il fait un travail abrutissant (répondre au téléphone par des "Oui" et des "D'accord" puis dessiner sur des post-it) - lors de scènes à l'esthétique certes pauvre mais permettant d'augmenter encore plus l'absurdité des actions, notamment au travers du son anti-naturaliste au possible. Il est "subtilement" placé dans la friend zone par son amie Marie qui ne s'intéressera à lui que le jour où il s'intéressera à une autre femme. Il ne connaît ou ne comprend pas l'amour. Il est perdu dans les débats politiques. Il n'arrive pas à prendre la parole et subit. 
C'est peut-être l'élément le plus important de Tout est faux. Autour de Fred tout le monde parle mais pas lui. Marie (Demasi) déverse un flot quasi-ininterrompu de paroles, le plus souvent au téléphone à d'autres personnes ; les hommes qui draguent Marie (dont le flippant Sébastien Novac) lui coupent l'herbe sous le pied et le considèrent à peine ; le délirant dealer qui alpague Fred régulièrement (le détonnant Hugo Malpeyre) se la joue à la Brad Pitt dans L'Armée des 12 Singes et nous perd dans un monologue philosophico-déglingo ; l'homme du pont (Mathieu Lagarrigue) également hurle un monologue engagé au-dessus d'un chemin de fer ; les hommes politiques débattent et débattent et débattent... 
Fred subit, écoute et ne comprend pas toujours. Mais là où la narration sort du brouillard, c'est quand on perçoit l'évolution de Fred ou plutôt son envie d'évolution, son envie de prendre parole. L'achat d'un mégaphone prend alors tout son sens. Il n'ose d'abord pas s'en approcher, puis si, mais n'ose pas l'essayer devant le vendeur, une fois chez lui il ne comprend pas comment l'utiliser, etc. Il finit même par l'offrir à l'homme du pont qui pourra alors se faire entendre d'encore plus loin durant ses litanies. Mais Fred a fait le premier pas, il a évolué et sa relation avec la femme de la laverie en est la preuve ; il partage et il parle. Et c'est peut-être ça qui choque le plus Marie quand finalement Fred parle de sa nouvelle rencontre. Il lui donne du répondant et ce dialogue en devient savoureux.
Vous l'aurez peut-être compris, Tout est faux est un film très intéressant mais parfois peu accessible à un public qui ne voudrait pas faire quelques efforts pour adhérer à une narration un peu détendue, floue et parfois absurde. Mais le contexte de production de ce petit film en font une curiosité à voir, ne serait-ce que pour se faire un avis sur ce qui peut se faire au cinéma, sans un kopeck.