1h37 - Sortie le 12 juin 2013
Un film de Alain Guiraudie avec Pierre Deladonchamps, Christophe Paou, Patrick d'Assumçao
L'été. Un lieu de drague pour hommes, caché au bord d'un lac. Franck tombe amoureux de Michel. Un homme beau, puissant et mortellement dangereux. Franck le sait, mais il veut vivre cette passion.
Le Mot du Comte : 3/5
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, "L’inconnu du lac" est un savant mélange de deux genres : la comédie sentimentale et le film policier (et un dérivé, le survival). Car le premier mérite du film d’Alain Guiraudie est de ne pas faire de l’homosexualité un prétexte. Après tout, le film pourrait se passer près d’un lieu de drague hétéro que cela ne changerait presque rien.
Guiraudie parvient à instaurer une vraie incertitude dans cette utopie sexuelle, ce petit coin de paradis que le spectateur ne quittera jamais. Suspense et ambiguïté, telle sont les deux idées phares de "L’inconnu du lac".
Un aspect fort du film, c’est son naturalisme solaire, rugueux, complet et par conséquent, presque modèle. Les centimètres de pénis que le film déroule est en parfaite cohérence avec ce que requiert le lieu du film, ce lac nudiste et ses berges, personnage à part entière de l’intrigue. Si on intègre cette parade de verges (qui devient, au fil du temps, une norme visuelle), on aurait largement pu se passer de ces plans pornos purs : cette fellation et éjaculation en gros plans ne sont d’aucune utilité, puisque le spectateur est déjà happé par la science naturaliste de Guiraudie. On y croit pas parce que c’est réel, mais parce que c’est réaliste.
Comédie sentimentale donc, avec ce Franck en recherche d’amour qui, malgré le danger qui le guette, creuse un peu plus loin le sillon de la séduction. A côté de lui, il y a le disgracieux Henri, observateur judicieux et précieux dont la fonction pure (éclairer Franck, dont on le soupçonne amoureux) s’accomplit à merveille : le personnage le plus touchant du film, c’est bien lui. La force des dialogues repose paradoxalement dans les silences que Guiraudie laisse traîner entre deux répliques de ce couple informel Franck-Henri. Puissance du non-dit, influence du hors-champs, voilà pourquoi les plans pornos ne servent à rien. Abdellatif Kechiche devrait comprendre cela.
Guiraudie ne manque également pas d’humour, avec cette galerie de personnages et situations absurdes (le petit pervers qui se touche devant les couples en plein coït, ou cette crise de jalousie disproportionnée), toujours rattachés au réel et à la pratique du sexe, avec ces mésaventures afférentes. On notera aussi au passage l’élégance du découpage (ce plan-parking qui revient sans cesse), qui fait sens avec la structure du récit et le formidable travail sur l’image et le son (ces plans de baignades sont d’une beauté simple et poétique).
En revanche, la dernière partie de l’intrigue vire dans le grand-guignol le plus total (la relative élégance du premier meurtre n’a rien à voir avec la ridicule boucherie de la fin). Et cette fin facile et racoleuse (« je coupe avant la fin car je n'en ai pas ») n’est clairement pas à la hauteur du reste du film et ressemble plus à de l’arrogance scénaristique (ou pis, de la flemme) qu’autre chose. Enfin, le personnage de l’inspecteur n’est pas du tout crédible et semble sortie d’une mauvaise bande dessinée.
Malgré le fait que l’histoire n’aille pas au bout d’elle-même (ce qui amène à cette interrogation cruelle : que nous dit le film ?), "L’inconnu du lac" montre qu’avec peu, on peut faire beaucoup, sans pour autant laisser le spectateur sur le bord.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire